Pourquoi le SMIC n’évoluera pas en 2025 ?

Un gel inédit du salaire minimum

C’est une première depuis plus d’une décennie : le SMIC ne connaîtra pas de revalorisation au 1er janvier 2025. Ce gel, qui fait figure d’exception dans l’histoire récente du salaire minimum français, tranche avec le cycle des augmentations automatiques observé ces dernières années. À l’origine de cette situation, une décision anticipée du gouvernement en novembre 2024, qui a permis d’éviter une revalorisation supplémentaire. Le choix interpelle autant qu’il inquiète : est-ce le signe d’un tournant dans la gestion du salaire minimum ?

Entre stabilité affichée et contraintes économiques, ce gel soulève des interrogations sur la capacité de l’État à maintenir le pouvoir d’achat sans recourir systématiquement aux hausses réglementaires.

Les montants en vigueur et leur justification

Depuis le 1er novembre 2024, le SMIC brut horaire s’élève à 11,88 €, soit 1 801,80 € brut par mois pour un temps plein de 35 heures. En net, cela correspond à environ 1 426,30 €. Cette hausse de 2 %, décidée en dehors du calendrier habituel, a permis au gouvernement de justifier l’absence de toute revalorisation en janvier 2025.

Le SMIC net 35h constitue ainsi un repère concret pour plus de 2,7 millions de salariés en France, dont le pouvoir d’achat reste étroitement lié à l’évolution de ce seuil légal.

SMIC 2025

Montant brut

Montant net estimé

Horaire

11,88 €

9,39 €

Mensuel (35h/semaine)

1 801,80 €

1 426,30 €

Les mécanismes d’indexation du SMIC

Le SMIC est revalorisé selon un mécanisme inscrit dans le Code du travail. Deux critères principaux s’appliquent :

  • l’évolution de l’indice des prix à la consommation pour les 20 % des ménages les plus modestes, hors tabac,

  • et la moitié du gain de pouvoir d’achat du salaire horaire de base des ouvriers et employés (SHBOE).

Une revalorisation automatique intervient généralement au 1er janvier. Une hausse intermédiaire peut également se déclencher si l’inflation dépasse 2 % depuis la dernière revalorisation. Enfin, l’exécutif peut octroyer un « coup de pouce » politique.

Ce système permet en théorie de préserver le pouvoir d’achat sans intervention gouvernementale directe. Mais il reste tributaire des indicateurs macroéconomiques, parfois décalés de la réalité sociale vécue.

Pourquoi aucune revalorisation au 1er janvier ?

Selon les données publiées fin 2024, la hausse théorique du SMIC attendue au 1er janvier 2025 était de 1,95 %. Or, l’augmentation de 2 % appliquée dès novembre 2024 a couvert cette progression anticipée. Résultat : pas de hausse supplémentaire.

Les indicateurs utilisés pour ce calcul montrent une inflation contenue et une progression modérée du pouvoir d’achat des salariés. La Banque de France prévoit une inflation moyenne de seulement 1 % pour 2025, ce qui ne devrait pas activer le seuil des +2 % en cours d’année.

Pour les syndicats, cette anticipation ressemble toutefois à un artifice politique visant à désamorcer la pression sociale, sans réelle compensation sur le long terme.

Les tensions politiques autour du SMIC

L’absence de revalorisation du SMIC a donné lieu à d’importantes tensions au sein de la majorité. Une hausse symbolique de 1 % au 1er juillet 2025, soutenue par le ministre de l’Économie Éric Lombard, a été refusée par François Bayrou, au nom de l’équilibre budgétaire.

Selon le groupe d’experts présidé par Stéphane Carcillo, une hausse supplémentaire serait contre-productive :

  • elle accentuerait le tassement des grilles salariales,

  • alourdirait la masse salariale dans la fonction publique,

  • et pourrait entraîner des destructions d’emplois peu qualifiés.

Du côté de la gauche parlementaire, ce choix est jugé technocratique et socialement injuste. Il accentue aussi les lignes de fracture entre les forces syndicales réformistes et contestataires.

Des perspectives bloquées avant 2026

Avec une inflation sous contrôle et l’absence de “coup de pouce” envisagé, il est peu probable que le SMIC évolue avant le 1er janvier 2026. Selon les projections disponibles, la revalorisation de 2026 pourrait porter le SMIC brut mensuel à plus de 1 850 €, soit un net autour de 1 450 €.

En l’état, seuls des chocs économiques imprévus (hausse soudaine des prix de l’énergie ou tensions sur les salaires) pourraient justifier une revalorisation anticipée. Ce scénario est aujourd’hui jugé peu probable par la DARES et l’INSEE.

Quels impacts pour les salariés concernés ?

Les 2,7 millions de Français rémunérés au SMIC sont directement affectés par cette stabilité. Si leur pouvoir d’achat a été préservé en 2024 grâce à la hausse de novembre, ils n’ont bénéficié d’aucune revalorisation au cours des huit premiers mois de 2025.

Cela crée un effet de “gel psychologique” : dans un contexte de désinflation, les prix n’augmentent plus autant, mais les loyers, l’énergie, ou l’alimentation restent à des niveaux élevés. L’absence de progression nominale devient un sujet de crispation, notamment chez les jeunes actifs, les salariés à temps partiel, ou les familles monoparentales.

Enjeux structurels et scénarios de réforme

Au-delà des ajustements ponctuels, la question du SMIC renvoie à des choix de société. Le groupe d’experts a récemment recommandé de réformer en profondeur la mécanique d’indexation, aujourd’hui jugée trop rigide.

Parmi les scénarios évoqués :

  • Indexer le SMIC sur la moyenne des augmentations négociées dans les branches professionnelles,

  • Lier l’évolution du SMIC au revenu médian plutôt qu’à l’inflation,

  • Réviser le calendrier de revalorisation pour plus de lisibilité et de réactivité.

Certains économistes militent aussi pour une harmonisation européenne progressive. À titre de comparaison, le salaire minimum net mensuel en 2025 est de 1 188 € en Espagne, 1 112 € en Slovénie, 2 100 € au Luxembourg. La France, avec ses 1 426 €, se situe dans la moyenne haute, mais au prix d’un effort budgétaire considérable : plus de 80 milliards d’euros d’exonérations de charges patronales sont concentrés autour du SMIC.

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